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mercredi 17 octobre 2012

Quoique

Plus une phrase, un paragraphe, un livre est contrasté, plus il est captivant.
C'est un principe de base que Victor Hugo avait très bien compris, lui qui mit le monstrueux Quasimodo juste à côté de la splendide Esmeralda.

Mais si, dans un roman, il est bon d'opposer les personnages, dans n'importe quel genre de livre il est bon de saupoudré ses phrases de contraste et d'oppositions.

Or... il y a une syntaxe du contraste.

Une syntaxe qu'il faut connaître.

Vous allez me dire que vous la connaissez déjà : c'est "mais", "quoique", "malgré", "toutefois", etc.

Oui, vous connaissez tous ces mots, mais les utilisez-vous tous ?

Et les utilisez-vous avec souplesse et imagination, ou d'une manière un peu rigide ?

Il n'y a que vous pour le savoir...

En attendant, je vous propose d'examiner quelques phrases avec "quoique".

"Son aventure, quoique gaiement racontée, m'avait paru longue, dans la situation précaire où je me trouvais. (George Sand)
"Quoique le combat fût long et acharné, il ne put résister au comte." (Alexandre Dumas)
"Il cueillait sans relâche, leste comme un écureuil, promptement quoique sans se hâter" 
"Le conducteur avait peur, quoiqu'il se fût imbibé d'alcool." (Alain)
"Quoique intelligent, il réussit assez mal dans ses études."

Si vous examinez ces phrases de près, vous verrez que la structure la plus fréquente c'est :

[Quoique + proposition] PROPOSITION

C'est la construction classique et attendue : quoiqu'il soit mort au combat, il n'a pas eu droit aux honneurs. Quoique le combat fut long, il fut obligé de s'avouer vaincu. Quoique le soleil tardât à se lever, le ciel avait déjà pris une couleur de rose.

Une autre variante :

[Quoique + adjectif (ou groupe adjectival)] PROPOSITION

Quoiqu'intelligent, il réussit assez mal dans ses études, quoique chauve, il a toujours un peigne dans sa poche, quoique d'une grande beauté, elle ne plaît pas aux hommes, etc.

Une autre variante intéressante :

[Quoique + adverbe (ou groupe adverbial)] ADVERBE (OU PROPOSITION ADVERBIALE)

Cette construction est plus rare et originale : il cueillait promptement quoique sans se hâter, il cueillait sans se hâter quoique promptement, il parlait doucement quoique distinctement, il parlait doucement quoiqu'avec beaucoup d'énergie, il parlait avec force quoiqu'en grommelant, etc.

Et enfin...

La construction de George Sand est la plus intéressante et créative de toutes :

NOM + [quoique + adj (ou groupe adjectival)] RESTE DE LA PROPOSITION

André, quoique merveilleusement intelligent, avait repassé trois fois son bac. Son aventure, quoique gaiement racontée, m'avait paru longue. La vie, quoique courte, paraît parfois d'un ennui mortel. Le ciel, quoique d'un bleu suave de piscine propre, ne m'inspirait rien qui vaille. Cet homme, quoique balafré et armé jusqu'aux dents, m'inspirait confiance. Le livre, quoique posé en équilibre instable au bord de la table, n'était miraculeusement pas tombé. Un dinosaure en peluche, quoique de très mauvais goût, m'inspira une sympathie irrésistible : je l'achetai sans même regarder son prix. 

Je vous propose, comme exercice, de faire cinq phrases avec chacune de ses constructions.

vendredi 5 octobre 2012

Comment utiliser "malgré" ?

Une construction syntaxique bien comprise est une flèche de plus dans votre carquois d'écrivain ; elle vous permet de faire passer des nuances qui, sinon, resteraient inexprimées.

J'ai noté que George Sand fait un usage libre et créatif de "malgré".

La plupart des auteurs utilisent "malgré" en l'appliquant à une proposition (sujet+verbe+éventuellement autre chose) :

"Il reste vigilant malgré sa fatigue."
"Malgré la nuit, il croit encore à la lumière."
"Malgré la menace grandissante ils décident de rester."

Sand, plus libre dans sa syntaxe, applique parfois "malgré" à des adjectifs.
Un exemple :

"Elle était accompagnée d'un homme grand, chauve, maigre, voûté, bizarre, beau malgré tout."

Là, "malgré" ne porte pas sur "elle était accompagnée...", juste sur l'adjectif que le précède.

Résultat : une phrase dynamique et vivante qui dit beaucoup en peu de mots.

Avec "pourtant" la phrase serait nettement moins réussie :

"Elle était accompagnée d'un homme grand, chauve, maigre, voûté, bizarre, et pourtant beau."

mardi 2 octobre 2012

L'ordre des mots n'est pas un détail !

Supposons que vous vouliez associer, dans le titre d'un chapitre, les notions de "banalité" et de "miracle".
Devez-vous opter pour "Un miracle banal" ou "la banalité des miracles" ?

Au niveau du sens, c'est à peu près la même chose...

Mais l'ordre des mots creuse la différence.

"Un miracle banal", c'est une histoire qui commence bien (miracle) et finit mal (banal). Un soufflé qui retombe. Un feu d'artifice qui avorte comme un pétard mouillé.

"La banalité des miracles", c'est une histoire qui commence mal (banalité) et finit bien (miracles).

Si vous voulez un titre optimiste, choisissez toujours avec le plus grand soin l'ordre des mots de manière à ce celui-ci raconte une belle histoire... commencez par le mot négatif ou neutre, et terminez pas le mot le plus positif.

dimanche 30 septembre 2012

Glaner du vocabulaire dans les films

Lorsque vous regardez un film, n'oubliez pas que vous êtes un écrivain. Soyez attentif aux mots choisis par le scénariste. Parfois, on trouve des termes pittoresques et colorés très intéressants. Notez-les et réutilisez-les dans votre livre.

Hier, en regardant "Blanche-neige", j'ai noté "satiné".

Satiné est un mot très expressif.

Je l'ai illico intégré au texte que je ré-écris en ce moment :

"...la belle aux joues satinées et aux grands yeux rêveurs"

vendredi 28 septembre 2012

L'écrivain navigue entre ces deux limites

Quelles limites ?

Celle de sa syntaxe et celle de son vocabulaire.

Pour élargir votre territoire et par contre-coup, votre lectorat, il est bon de repousser ces limites.

Comment repousser la limite de son vocabulaire ?

En se munissant d'un bon, c'est-à-dire d'un gros, dictionnaire des synonymes. Celui du logiciel Antidote est très bien. Puis, en cherchant le plus souvent possible des synonymes plus croustillants, vivants et percutants aux termes qu'on emploie spontanément.

En ajoutant aussi à la palette de ses expressions plus d'expressions idiomatique (pourquoi ne pas lire carrément un dictionnaire des proverbes ?)

Et comment repousser la limite de sa syntaxe ?

C'est plus délicat.
Et peu d'écrivains s'y essaient car peu d'écrivains savent que c'est possible, ou souhaitable.
En général, on croit disposer de toutes les constructions grammaticales dont on a besoin : on n'a pas conscience d'avoir une répertoire limité. Mais là comme ailleurs, il y a toujours moyen de s'enrichir.

Pour repousser la limite de sa syntaxe, repérer des constructions qui vous paraissent intéressantes, frappantes, chez un écrivain que vous aimez et réutilisez-les délibérément.

Moi qui suis fan de George Sand (ce qu'un lecteur régulier de ce blog a déjà compris), je trouve à chaque page chez elle des constructions intéressantes, que je lui emprunte sans me gêner.

Par exemple la manière dont elle utilise "sinon" :

sinon... du moins...

Exemple (fadasse, mais c'est juste pour montrer comment utiliser cette construction) :

"C'était un homme sinon charmant, du moins poli."

Un bon moyen de faire passer une idée nuancée, tout en créant un léger suspens interne à la phrase.

mercredi 26 septembre 2012

Les secrets de l'écriture émotionnelle

George Sand a un style hautement émotionnel, ce qui fait que même ses passages les plus descriptifs se lisent avec délices. Inversement, les descriptions de Robbe-Grillet sont d'un ennui maladif, parce que son style est carencé en émotion. C'est délibéré, dit-il... ça n'en est pas moins reader-unfriendly.

Exemple de description par Robbe-Grillet :

Un quartier de tomate en vérité sans défaut, découpé à la machine dans un fruit d'une symétrie parfaite. La chair périphérique, compacte et homogène, d'un beau rouge de chimie, est régulièrement épaisse entre une bande de peau luisante et la loge où sont rangés les pépins, jaunes, bien calibrés, maintenus en place par une mince couche de gelée verdâtre le long d'un renflement du coeur. Celui-ci, d'un rose atténué légèrement granuleux, débute, du côté de la dépression inférieure, par un faisceau de veines blanches, dont l'une se prolonge jusque vers les pépins — d'une façon un peu incertaine. Tout en haut, un accident à peine visible s'est produit : un coin de pelure, décollé de la chair sur un millimètre ou deux, se soulève imperceptiblement.

Franchement, qu'est-ce qu'on en a à faire, de sa tomate ? Qu'il la mange et qu'on n'en parle plus ! (Et encore, ce passage n'est pas le plus sec de Robbe-Grillet, loin de là... ses descriptions soient souvent encore moins juteuses que celle-ci.)

Exemple de description par George Sand :

En ce moment, tenez, c'est splendide. Les montagnes sont d'un ton d'opale si fin et si doux qu'on les croirait transparentes. Tout ce côté de l'est se baigne dans des reflets d'une exquise suavité. Le couchant, au contraire, est embrasé d'un rouge terrible. Le soleil, abaissé sur l'horizon, éclate d'autant plus ardent que des masses opaques de nuages violets s'amoncèlent autour de lui. Les méandres marécageux du Tibre se dessinent en lignes étincelantes sur des masses de forêts encore plus violettes que le ciel. La mer est une nappe de feu, et, comme pour rendre le tableau plus lumineux et plus bizarre, une riche fontaine, située sur la terrasse d'une villa voisine, semble faire jaillir, aux premiers plans, une pluie d'or fondu qui se détache sur un fond de sombre verdure.

La différence saute aux yeux, n'est-ce pas ?

Si tant de gens sont hypnotisés par la télé et le cinéma, c'est parce qu'ils sont en quête d'expériences émotionnelles : nous sommes tous avides d'émotions. Plus votre écriture sera émotionnelle, plus les lecteurs l'aimeront - et plus vous l'aimerez vous-même, et prendrez plaisir à vous relire.

Mais comment obtient-t-on un style émotionnel ?

Certains vous diraient : "Il faut écrire avec son coeur"... mais le coeur n'a pas de doigts, donc ça va être difficile. D'autres vous diraient : "Il faut écrire avec ses propres émotions"... mais lorsqu'on est vraiment en proie à des émotions fortes, on est rarement en état d'écrire. Pour écrire, il faut être (relativement) calme.

Alors ?

Quel est le secret ?

Il n'y en a pas un, mais plusieurs - plein, en fait. En voici quelques uns :

1. Les métaphores

Plus votre style métaphorique, plus il sera émotionnel. Comparez : "un joli petit village médiéval en pleine nature" à "un joyau médiéval enchâssé dans la nature"

2. Les couleurs

Plus votre style sera coloré, plus il sera émotionnel. Comparez : "un joyau médiéval enchâssé dans la nature" à "un joyau médiéval couleur d'ambre enchâssé dans la verdure" (Et comme "joyau médiéval" fait vraiment trop guide touristique, on peut remplacer par "bijou médiéval").

3. Le passage de l'objectif au subjectif, de la description à la réaction affective

Comparez : "la voix cristalline d'une fontaine" à "la voix cristalline et monotone d'une fontaine", ou "la voix cristalline et mystérieuse d'une fontaine".
Chaque fois que vous donnez une information objective, essayez de l'accoupler à un sentiment ou une réaction émotionnelle. "Le vent souffle" devient "le vent souffle tristement", ou "le vent souffle avec fureur", ou "le vent souffle mélancoliquement", le "rouge" devient le "rouge terrible", le "rouge colérique", "le tableau lumineux" devient "le tableau lumineux et bizarre". etc.
Prenez conscience que vous êtes libre d'associer n'importe quelle émotion ou réaction affective à n'importe quel élément descriptif, ou presque ! Le lecteur acceptera sans broncher, à condition bien sûr que vous créiez un contexte adéquat, une ambiance appropriée...

4. Le contraste

Associez des contraires : suave/terrible ; ardent/opaque ; or fondu/sombre ; mer/feu ;
Soulignez les contrastes que vous avez créés : au contraire ; se détache, etc.

5. Transformez des caractéristiques physiques en caractéristiques morales

(Attention ! Ce cinquième secret est vraiment très très secret. Etudier-le avec soin et tirez-en tout le parti possible.)

Quand le contexte le permet, c'est-à-dire quand il lève toute ambiguïté, remplacez les termes concrets par des termes abstraits tirés du vocabulaire sentimental et moral.
Par exemple, au lieu de parler de "rochers arrondis", parlez de "rochers adoucis".
Au lieu de "petites îles isolées battues par les vents", parlez de "petites solitudes battues par les vents".
Au lieu de "blancheur", parlez de "candeur", de "pureté".

C'est moins précis, plus ambigu ?...

Vous avez raison. Mais en réalité, ce n'est pas un défaut. Plutôt une qualité.
L'écriture émotionnelle n'est pas précise, elle est suggestive.
Elle fait travailler l'imagination.

Et puis comme je vous disais, il faut jouer sur le contexte, pour rendre clair ce qui, sinon, serait incompréhensible.

Il y a bien d'autres secrets de l'écriture émotionnelle, mais pour appliquer ceux-ci à vos livres, vous avez déjà du pain sur la planche.

Et moi aussi.

Le dialogue sous-jacent avec le lecteur

Dans "Notre Dame de Paris", après la description d'une grande salle médiévale, Victor Hugo écrit (je cite de mémoire) :

"...tout celait n'était ni sans intérêt, ni sans charme."

Pourquoi cette double négation ?

Il aurait pu écrire : "...tout cela était intéressant et charmant à la fois."

Hugo a préféré la double négation. Pourquoi ?

Parce qu'en niant que "tout cela" (la salle qu'il venait de prendre la peine de décrire) était sans intérêt et sans charme, il entame - discrètement - un dialogue avec le lecteur... Il répond en effet à une objection possible de celui-ci : "bof... cette salle médiévale n'a ni intérêt ni charme !"

Réponse-réfutation : "...tout celait n'était ni sans intérêt, ni sans charme."

L'affirmation (négative) est plus prudente, et donc moins contestable, mais aussi plus dialogique que l'affirmation positive l'aurait été. C'est pourquoi elle est plus facile mais aussi plus agréable à avaler.

Moralité
- Tout ce qui permet d'établir, de manière apparente ou cachée, explicite ou implicite, un dialogue avec le lecteur et ses réactions supposées est BON, JUSTE, AIMABLE, A GARDER.
- Tout ce qui tend au monologue autiste est à proscrire.

lundi 24 septembre 2012

Les devoirs de l'écrivain et les droits du lecteur

Le lecteur a droit au respect : l'auteur a le devoir de le respecter, c'est-à-dire de ne pas le prendre pour un imbécile, de ne pas chercher à l'embobiner, de ne pas chercher à l'éblouir par l'obscurité de son jargon.

Le lecteur a aussi droit au respect. C'est-à-dire que l'auteur a le devoir de lui offrir le meilleur, d'améliorer son livre sans relâche pour le lui donner le plus parfait possible.

Le lecteur a encore droit au respect : l'auteur a le devoir de ne pas le définir de manière limitée, de ne pas décider a priori qu'il aura tel âge, tel sexe, tel profil socio-culturel. L'auteur a le devoir de s'adresser à TOUS ses lecteurs potentiels, et pas seulement à ceux auxquels il s'identifie spontanément.

D'autre part, le lecteur a droit au respect, l'auteur ayant le devoir de lui dire la vérité, ou si la vérité lui est inaccessible, de ne pas lui mentir, de ne pas lui faire croire que lui, l'auteur, est omniscient quand c'est loin d'être le cas.

Le lecteur a droit à l'amour : l'auteur a le devoir de sympathiser avec lui, de lui souhaiter les meilleures choses.

Le lecteur a droit à ne pas être trompé sur la marchandise : l'auteur a le devoir de lui dire à l'avance si tel livre est seulement la ré-édition de tel autre sous un autre titre.

Le lecteur a droit au nouveau. L'auteur a le devoir de lui présenter des informations/idées/histoires nouvelles, difficiles à trouver ailleurs, et pas une énième version de ce qu'il a déjà lu dans cinquante autres bouquins du même type.

Le lecteur a droit à la douceur. L'auteur a le devoir de ne pas le brusquer, de ne pas lui faire la morale en fronçant les sourcils, de ne pas lui parler avec condescendance ou brutalité.

Enfin, l'auteur a le devoir de se remettre en question : si les lecteurs délaissent son livre, ou ne le lisent qu'une fois, c'est peut-être qu'il n'a pas fait tout ce qu'il devait faire pour rendre son oeuvre captivante et irrésistible...

dimanche 23 septembre 2012

Considérations en vrac sur l'écriture

Rester concentré(e) sur un livre en cours est un défi de tous les jours.

Il y a mille et une raisons de se disperser...

Soit parce qu'on s'obsède sur un autre livre, en cours lui aussi, soit parce qu'on ne se croit pas à la hauteur de la tâche, soit parce qu'on attend l'inspiration...

L'inspiration est l'un des plus grands obstacles sur la route de l'écrivain.

Je veux dire : le mythe de l'inspiration.

Au lieu de l'attendre, je vous conseille de travailler. Soit à écrire, soit à étudier l'écriture des écrivains que vous aimez, soit à ré-écrire et améliorer ce que vous avez déjà écrit.

Les écrivains débutants croient qu'ils ne peuvent pas améliorer leur premier jet... les écrivains confirmés (ou en voie de le devenir) savent qu'on peut toujours améliorer une version, même quand c'est la vingtième.

Il y a toujours quelque chose d'améliorable.

Et quand il n'y a plus rien d'améliorable, c'est seulement signe qu'on doit progresser soi-même avant d'améliorer encore une fois son texte/livre.

Le perfectionnisme est un état d'esprit. Je pense que c'est un bon état d'esprit - à condition de garder en tête qu'on ne peut approcher de la perfection que petit à petit.

La perfection n'est donc pas un but qu'on se propose d'atteindre tout de suite, et qu'on se décourage sous prétexte qu'on ne la pas rejoint au premier coup, mais plutôt un idéal que l'on garde en tête et qui nous pousse à ré-écrire et améliorer sans cesse.

La grande différence entre l'écriture et le dessin, c'est que même lorsqu'on ré-écrit pour la centième fois une page, les mots gardent leur fraîcheur. Si vous reprenez le même dessin cent fois, la feuille en portera les traces. Elle se déchirera et le dessin sera foutu. Il y a une limite aux reprises que l'on peut faire sur le même dessin. Mais dans l'écriture, il n'y a pas de limite et rien ne se fane. Profitons-en pour ré-écrire et améliorer autant qu'il faut, aussi longtemps qu'il faut.

C'est à ce prix qu'on fait oeuvre durable.

Tout est corrigeable, améliorable, amendable. Il suffit d'en avoir la volonté et d'y passer le temps qu'il faut.

J'ai réécrit un nombre incalculable (et incalculé) de fois "Marre de la vie ?" et je n'ai pas fini.

Les dernières versions sont bien meilleures que les premières.

C'est normal, c'est logique - et l'inspiration, qui n'existe pas, n'y est pas pour grand chose. Je ne l'attend pas pour écrire. Il y a des jours plus fertiles que d'autres, c'est sûr, mais pourquoi se focaliser sur ce qu'on ne contrôle pas ?... Mieux vaut se concentrer sur la science de l'écriture.

Plus on comprend ce que l'on fait, mieux on sait le faire.

Les écrivains qui travaillent à l'instinct se cognent rapidement la tête à un plafond de verre : ils ne peuvent pas faire mieux parce qu'ils ne savent pas eux-mêmes ce qu'ils font.

Ecrire en conscience est beaucoup plus intéressant, de même qu'un ingénieur des ponts et chaussées a plus de perspectives d'avenir qu'un bricoleur du dimanche qui travaille au pifomètre.

Je ne dis pas qu'il est nécessaire de connaître les termes techniques de l'analyse littéraire (oxymore, métonymie, etc.) Ce type de jargon ne sert pas à grand chose. Mais, par contre, il est très très utile de savoir pourquoi telle phrase est réussie et telle phrase est ratée. Pourquoi tel paragraphe est captivant et tel autre est ennuyeux.

Analysez vos propres écrits, soyez attentifs à vos propres réactions.

Vous êtes votre premier lecteur et c'est avant tout à vous que vous devez plaire. Est-ce qu'il y a des passages de votre livre que vous n'aimez pas vraiment lire ? Alors il y a quelque chose à améliorer. Peut-être qu'un mot, ou une alliance de mot, plombe ce passage. Identifiez les coupables et virez-les : mieux vaut qu'ils trouvent du travail ailleurs.

Les mots sont vos employés, ou si vous préférez vos soldats. Vous êtes leur général.

S'ils sont mal placés, c'est à vous de les déplacer, éventuellement de les virer.

Parfois, on n'arrive pas à savoir ce qui cloche exactement chez eux, mais à partir du moment où on a compris qu'il y a quelque chose qui cloche, c'est suffisant pour agir.

Supprimez quand il le faut.
Déplacez quand il le faut.

Et si malgré tout le résultat reste peu satisfaisant, ajoutez de la couleur, des images, des termes positifs et du "vous" si vous écrivez un livre qui n'est pas de la fiction.

Quand on parle au lecteur, on est presque toujours dans la bonne direction.

Un héros, plusieurs noms

Varier ses expressions

Si vous avez tendance à utiliser toujours le même mot, par exemple "comme" pour les comparaisons, ou "personne" pour parler des gens, faites des exercices d'assouplissement.

Forcez-vous à utiliser toute la gamme : à l'instar, à l'image, tel, semblable à...

Ou : individu, gens, gaillard, olibrius, quidam, homme...

Chaque mot a sa nuance propre, sa couleur ; quand vous restez enfermé dans un certain vocabulaire, vous vous punissez vous-même - et vous punissez vos lecteurs.

Soyez à l'affût ; cherchez tous les mots colorés, brillants, vivants, vibrants, souriants.

Par exemple "gaillard", déjà cité, a des connotations très intéressantes. C'est peut-être pour ça que les auteurs du "Visage de Dieu", best-seller dans la catégorie "Cosmologie" d'Amazon.fr, l'emploient à toutes les sauces...

Du coup, les scientifiques dont ils présentent les travaux apparaissent comme des figures pleines de vitalité et d'énergie - et ça, simplement parce qu'ils les décrivent comme des "gaillards" :

"...un physicien du nom de George Smoot, solide gaillard barbu à l'époque totalement inconnu du grand public, se prépare à rejoindre la salle de presse pour..."

Un personnage, plusieurs noms

Il faut faire très attention aux noms dont on désigne les personnages de son livre (qu'il soit un roman ou pas)...

George Sand est une virtuose dans l'art de varier, selon le contexte, les noms dont elle désigne ses personnages. Ces variations donnent une dimension supplémentaire à ses personnages, une épaisseur presque mythique.

Prenons par exemple son magnifique roman L'homme de neige.

Le héros, Christian Waldo, apparaît sous toute sortes de noms. Il faut dire que c'est le sujet même du roman : qui sont ses parents ? Quel est son véritable nom ?... Lui-même ne le sait pas, et le découvrira à la fin du roman. (Il est le fils d'un noble comte suédois assassiné par son frère pour récupérer l'héritage).

Voici quelques uns des noms sous lesquels Christian apparaît :

"Christian Waldo" (son nom d'artiste)
"Christian Goffredi" (Ses parents adoptifs s'appellaient Goffredi.)
"Christian Goelfe" (Quand Christian se fait passer pour le neveu d'un avocat qu'il ne connaît pas pour entrer dans une soirée mondaine.)
"l'enfant du lac" (c'est ainsi qu'il est nommé dans la chanson que chante sa première mère adoptive, depuis devenue folle).

Pour Marguerite, dont Christian tombe amoureux, il y a aussi des variantes intéressantes.

Voici une phrase où Sand joue avec une habileté extraordinaire des variations de noms :

"Christian tomba dans la rêverie. Il cherchait en lui-même quel enchaînement d'idées l'avait amené à des résolutions si énergiques et si simples ; mais il avait beau chercher et attribuer le tout à l'influence d'un bon sommeil et d'une belle matinée ; toujours sa mémoire le ramenait à l'image de Marguerite cachant sa figure dans ses mains au nom de Christian Waldo. Ce cri étouffé, parti du coeur de la femme, était allé frappé la fière poitrine de Christian Goffredi."

D'abord Christian : son prénom tout nu.
Ensuite, la réaction de Marguerite (prénom tout nu) au nom d'artiste "Christian Waldo".
Puis, Marguerite devient "la femme".
Pourquoi ce changement ?
Parce qu'il s'agit de souligner ce que représente Marguerite pour Christian : elle est LA femme. C'est-à-dire qu'elle est son archétype... en d'autres termes, la femme de sa vie ! En disant "la femme", Sand place la relation de Marguerite et Christian sur un pied presque mythique : elle est LA femme et il est L'homme, un peu comme Adam était l'Homme et Eve, la femme...
Et enfin, "Christian Goffredi". Pourquoi, ici, utiliser le nom des parents adoptifs de Christian ?
Parce qu'ils étaient dignes, cultivés, et qu'ils vivaient pour la science. Ce n'était pas des saltimbanques, alors que Christian Waldo en est un.
En tant que "Christian Goffredi", Christian est fier, digne et se respecte. En tant que "Christian Waldo", Christian est un artiste, presque un aventurier, qui vit ou plutôt survit en séduisant son public avec son spectacle de marionnettes.
Et admirez la manière dont Sand joue du parallélisme pour créer du sens :
le coeur de la femme/la fière poitrine de Christian Goffredi
Ce parallélisme a pour effet de rendre Christian plus mâle et Marguerite plus féminine ! ça ne vous saute pas aux yeux ? "Femme" s'oppose, grâce au parallélisme, à "Christian Goffredi", et "Coeur de la femme" s'oppose, toujours grâce au parallélisme, à "fière poitrine", ce qui renforce à la fois la douceur (ici implicite) de Marguerite et la fierté masculine de Christian.

George Sand dit, et suggère, énormément en peu de mots grâce à :
- des parallélismes ;
- des contrastes qui se créent ou se renforcent grâce aux parallélismes auxquels ils s'intègrent ;
- des variations de noms hyper-significatives.

Voici une autre phrase où Christian est nommé d'une manière inhabituelle :

"– Mon Dieu ! dit-il, donnez au dévouement les facultés surnaturelles que vous donnez quelquefois au délire ! Et, bien convaincu qu'ici l'adresse et la précaution ne lui serviraient de rien, puisqu'il ne voyait pas à trois pieds au-dessous de lui, l'enfant du lac, se confiant au miracle permanent de sa destinée, descendit en courant l'abîme qu'il n'avait pas osé gravir durant le jour."

Pourquoi "'l'enfant du lac" ? parce qu'enfant, Christian a été sauvé de manière quasi miraculeuse, et là, il espère survivre tout aussi miraculeusement. Sans cet "enfant du lac", Sand n'aurait jamais pu faire passer en si peu de mots autant d'idées.

Bien utilisées, les variations de nom permettent de rendre le texte beaucoup plus dense et concis, en même temps qu'elles confèrent à l'histoire une qualité mythique ou épique.

Varier oui, mais attention à ne pas perdre le lecteur !

Attention toutefois.

Au début, lorsqu'on connaît à peine le personnage, mieux vaut le désigner toujours par son nom, pour que le lecteur s'en souvienne... Varier les mots dont on désigne son personnage, oui, créer la confusion et l'ambiguïté, non. (Je pense par exemple aux romans russes, où les personnages ont tant de prénoms qu'on a l'impression qu'ils sont quatre ou cinq...)

samedi 22 septembre 2012

Comment rester dans le bain

Si vous travaillez actuellement à un livre, vous savez peut-être à quel point il est important de rester dans le bain.

Être dans le bain, c'est penser le livre, respirer le livre, vivre le livre, nager avec le livre.

Sortir du bain, c'est se laisser accaparer et distraire par d'autres choses, jusqu'à ce que l'écriture de votre livre ne vous apparaisse plus que comme un détail. Une tâche sans urgence et peut-être même sans importance.

Comment rester dans le bain ?...

Primo, en relisant tous les jours une partie (ou l'intégralité) de votre livre en cours.

Secundo, en pensant à vos lecteurs à venir : ils ont besoin de votre livre. Allez-vous les faire attendre encore longtemps ?... Imaginez-les en train de pianoter avec impatience sur leur cuisse, assis dans une salle d'attente. A leur disposition, ils n'ont que des vieux magazines féminins sans intérêt. Ils attendent quelque chose de plus consistant, mais pour l'instant, rien ne vient. La personne qui les fait poireauter, c'est vous. Alors un peu de décence. Ecrivez votre livre.

Tertio, en tenant un blog sur un sujet très proche. Moi, c'est mon blog "marre de la vie ?" qui m'a permis de rester dans le bain de "Marre de la vie ?", le livre.

Mais pour un autre livre portant sur un tout autre sujet, il me faudrait un autre blog.

Ecrivez dans ce blog tous les jours - ça n'a pas besoin d'être long. Un petit article spontané fera très bien l'affaire.

Quatro, en lisant des livres en rapport avec le vôtre.

Cinquo, en rédigeant, enregistrant des afformations portant sur votre livre : "Pourquoi est-ce que mon livre est un chef d'oeuvre ? pourquoi est-ce que je termine l'écriture de mon livre ? Pourquoi est-ce qu'avec mon livre je [...] des millions/milliards de lecteurs ?..."
Ou, mieux peut-être, des offirmations : "Pourquoi est-ce que notre livre est un chef d'oeuvre ? Pourquoi est-ce que nous terminons d'écrire notre livre ? etc."

Et sexto, en écrivant votre livre tous les jours - au moins une demi-heure.

Le suspens : principe de base

Qu'est-ce que le suspens ?

Il y a plusieurs façons de le définir ; l'une d'entre elles est : l'art de faire se poser des questions aux lecteurs.
Une autre : l'art de différer les informations que le lecteur attend.
Les mots clef sont : questions et attend.

Les gens qui travaillent à MSN présentent des informations dérisoires de manière à capturer l'attention des internautes de passage (soit parce qu'ils se connectent ou se déconnectent de hotmail) et à les forcer à lire.

Pour ce faire, ils utilisent l'art du suspens. Et ce qui est intéressant, c'est que souvent ils changent leurs titres pour les rendre plus attirants, plus riches en suspens. Vous pouvez lire d'abord "la femme la plus puissante du monde" en titre avec la photo de la chancellière allemande. Le titre n'a aucun impact parce qu'il n'a aucun suspens : il dit tout.

Seules les personnes intéressées par le pouvoir de la chancellière allemande le liront.

Quelques heures plus tard, le titre et la photo ont été changé : c'est devenu : "qui est la femme la plus puissante du monde ?" au-dessus d'une photo floutée méconnaissable. En posant la question au lecteur et en lui dérobant la réponse, on attise sa curiosité.

L'idée, c'est de poser des questions au lecteur, ou plutôt, de faire en sorte qu'il s'en pose.

Puis, de faire attendre la réponse au lieu de la donner tout de suite.

Voilà donc le principe de base du suspens :

Faites en sorte que le lecteur se pose une question ; différez la réponse au lieu de la lui donner tout de suite.

Et concrètement, comment faire ?

L'une des méthodes les plus universellement applicables - et que vous devez à tout prix appliquer - consiste à arranger l'ordre des mots pour que l'information principale arrive à la fin.

Prenons tout de suite un exemple.

Si vous écrivez :

Le professeur Tournesol marchait quand un chat noir lui coupa la route. Perdu dans ses équations, il trébucha.

Il n'y a aucun suspens, aucune tension : le lecteur n'a pas le temps de se poser la moindre question que vous lui fournissez déjà les réponses...

Mais si vous écrivez :

Perdu dans ses équations, absorbé par ses pensées, le professeur Tournesol marchait sans prêter la moindre attention au monde qui l'entourait. Soudain, jaillissant d'une impasse sombre comme une flèche, un chat noir. Tournesol trébucha.

Vous créez un peu de suspens en différant l'arrivée du chat - et en faisant en sorte que le lecteur se demande ce qui va interrompre les rêveries scientifiques du professeur. Bien sûr, il s'agit là de micro-suspens (à l'échelle d'une phrase). Pour qu'un roman soit captivant, il faut aussi une bonne dose de macro-suspens (à l'échelle des chapitres et même du livre entier).

Le suspens n'est pas réservé aux récits.
Dans n'importe quel livre, vous avez intérêt à en mettre.
Annoncez votre sujet dans l'introduction d'une manière intrigante qui pique la curiosité. Vous créerez ainsi du suspens, même si votre sujet est "la cristallisation du sel".

vendredi 21 septembre 2012

Pléonasme ?...

Un pléonasme est une expression ou une phrase redondante telle que "monter en haut", "descendre en bas", "un quart d'heure avant sa mort il était encore en vie", etc.

Les pléonasmes sont déconseillés.

Moi je les aime.

D'ailleurs il n'y a pas de vrai pléonasme.

Monter en haut, c'est monter plus haut que monter tout court.

Murmurer doucement, c'est murmurer plus doucement que murmurer tout court.

Et parler de "cire d'abeille", ce n'est pas dire exactement la même chose que lorsqu'on parle seulement de "cire". On peut avoir envie d'employer le mot abeille pour toutes ses connotation : l'abeille fait penser à la nature, aux fleurs et au miel ; de plus c'est un insecte populaire que beaucoup trouvent sympathique. Des raisons amplement suffisantes, à mon avis, pour préférer "cire d'abeille" à "cire".

Donc... un pléonasme peut être utile.

Le tout est qu'il ne soit pas trop flagrant et risible – sauf bien sûr si c'est l'effet que l'on recherche.

Frappez votre lecteur : il vous dira merci !

Il n'y a rien de plus ennuyeux, barbant, soporifique et mortel qu'un style prévisible.

Donc, frappez votre lecteur.

Frappez-le d'étonnement entre les deux yeux avec un style percutant, voire contondant, et il vous dira merci.

Parmi les mille et une méthodes qui existent pour enrichir son style en surprises, je voudrais aujourd'hui vous parler d'une toute simple.

Prenons le paragraphe suivant (tiré de mon livre, Marre de la vie) :


"Là, à l'image de reines bénévoles et rustiques, loin de toute angoisse, des vaches bicolores broutent dans des champs émaillés de pâquerettes, tandis que des papillons jaune citron virevoltent gracieusement autour de leurs cornes."

Lisez-le attentivement et dites-moi quel est le mot prévisible.

Vous avez trouvé ?

Eh oui, c'est "gracieusement".

Je n'a rien contre "gracieusement". C'est un adverbe qui a son utilité... ailleurs. 

Là, placé après "des papillons jaune citron virevoltent", il est terne, parce que prévisible.

Faites le test : remplacez "gracieusement" par [...]. Est-on capable de deviner "gracieusement" ?

Oui.

Tout mot qu'on peut DEVINER est un mot PREVISIBLE - et tout mot prévisible est un mot ennuyeux.

Et ne me dites pas que "papillon" est prévisible aussi. Il est prévisible lorsqu'on connaît la fin de la phrase, mais lorsqu'on arrive à "tandis que", il ne l'est pas : l'important est que les mots ne soient pas prévisibles pour quelqu'un qui les lit dans l'ordre, qui les découvre en suivant. 

Donc nous sommes d'accord : le seul mot prévisible du paragraphe, c'est gracieusement.

On pourrait bien sûr le supprimer - c'est ce que préconiserait la plupart des experts ès écriture - mais moi j'ai envie de garder un adverbe qui véhicule l'idée de grâce.

Suis-je coincée ?

Pas du tout. 

Je sors mon dictionnaire des synonymes et je regarde tous les synonymes de "gracieusement" - je suis sûre que je vais en trouver un qui convient...

Le premier est le bon. 

"Là, à l'image de reines bénévoles et rustiques, loin de toute angoisse, des vaches bicolores broutent dans des champs émaillés de pâquerettes, tandis que des papillons jaune citron virevoltent coquettement autour de leurs cornes."

La phrase n'a plus rien de prévisible, et je garde l'idée de grâce. Mission accomplie !

Moralité : quand vous sentez qu'un paragraphe est un peu ennuyeux, repérez et soulignez tous les mots prévisibles (ceux qu'on peut deviner lorsqu'on les remplace par trois petits points), puis trouvez-leur des synonymes qui collent au contexte qui est le vôtre, tout en apportant une nuance différente, un petit quelque chose de plus.

dimanche 16 septembre 2012

Un secret de l'hypnose à appliquer à l'écriture non-fictionnelle

Si vous écrivez un essai, un livre de développement personnel, un manuel, bref, un livre qui n'est pas de la fiction...

Il y a un point très important que vous devez comprendre, un secret crucial que vous devez appliquer et qui propulsera votre livre aux sommets, ou qui du moins fera que les lecteurs aimeront le lire et le relire, ce qui est déjà énorme.

Je l'ai découvert en lisant : Métaphores, un livre de l'hypnothérapeute Olivier Locker.

Voilà le secret :

ASSOCIEZ votre lecteur à tout ce qui est agréable ; 
DISSOCIEZ-le de tout ce qui est désagréable.

Je répète :

ASSOCIEZ votre lecteur à tout ce qui est agréable ; 
DISSOCIEZ-le de tout ce qui est désagréable.


ça n'a l'air de rien mais je vous garantis que si vous y réfléchissez, vous verrez que ça change tout - et aussi que ça demande beaucoup d'art et d'astuce.

Car ce n'est pas toujours simple.

Nous avons tous naturellement tendance à faire l'inverse. Par exemple, vous avez peut-être raconté un jour votre (mauvaise) journée à un ami en lui disant :

"Tu crois que c'est fini, mais non, tu t'aperçois alors que tu as reçu une facture inattendue et que ton chien a pissé sur le tapis !"

Evidemment, ce n'est pas votre ami qui as reçu une facture... c'est vous.

Mais vous lui avez raconté les choses comme si elles lui étaient arrivées à lui – et, secrètement, il n'a pas particulièrement apprécié ce jeux de rôle, même s'il n'en a fait rien paraître.

Bref, nous avons naturellement tendance à associer notre interlocuteur au négatif, alors que nous ne disons pas "tu as eu une promotion !" quand c'est nous qui en avons eu une.

Un écrivain expérimenté et sage doit faire l'inverse : il doit couper soigneusement son lecteur de ce qui est pénible, même si c'est effectivement de son lecteur qu'il parle.

Au lieu de lui dire :

"Vous n'avez plus aucun espoir... votre vie est terne et décolorée..."

Il dira :

"Jean n'a plus aucun espoir... sa vie est terne et décolorée..."

ou :

"Quand on a plus aucun espoir... quand la vie est terne et décolorée..."

Au lieu de dire :

"Faites attention lorsque vous dévalez une pente, si vous percutez un arbre vous finirez à l'hôpital."

Il dira :

"Il faut faire attention lorsqu'ON dévale une pente : si ON percute un arbre ON peut finir à l'hôpital."

lundi 10 septembre 2012

Comment le scénariste d'Avatar utilise la mise en abyme pour captiver ses lecteurs

Exemple de mise en abyme : la pièce de théâtre jouée dans Hamlet... cette pièce de théâtre dans la pièce de théâtre est une mise en abyme.

Chaque fois que, dans un film, on voit quelqu'un regarder un film, on a une mise en abyme.

Mais l'intérêt de la mise en abyme n'est pas dans son côté "gadget amusant" - il est ailleurs...

Car (comme je l'ai expliqué dans un autre article) la mise en abyme déguisée, implicite, permet de guider de manière très précise la manière dont le lecteur/spectateur comprend le livre ou la pièce de théâtre, le film qu'il lit ou à auquel il assiste.

Une mise en abyme réussie est une espèce de "mode d'emploi" du livre (ou du scénario) glissé à l'intérieur, et ne portant pas ce titre.

Petit rappel : si vous voulez que votre lecteur vous perçoive comme ceci ou cela, présentez dans votre livre un personnage qui aura toutes les qualités que vous voulez que vos lecteurs vous prêtent, et prêtez aux autres personnages les réactions que vous espérez de vos lecteurs.
Wodehouse, qui aspirait au titre d'humoriste (et qui l'a obtenu) glisse dans ses romans des personnes qui sont qualifiés d'humoristes - et dont l'humour connaît un franc succès... le même succès que Wodehouse espérait pour lui-même et qu'il a récolté.

Venons-en à Avatar.

Le héros d'Avatar est une mise en abyme du spectateur du film. Comme le spectateur du film, il est assis dans un fauteuil. Et comme le scénariste le souhaite, il ne peut pas sortir de ce fauteuil : il est paralysé.

Comme le spectateur du film, le héros d'Avatar se projette dans un personnage bleu et surdimensionné auquel il arrive toutes sortes d'aventures.

Comme le spectateur du film (tel que le scénariste le souhaite), le héros d'Avatar préfère sa vie de rêve, sa vie dans le film, à sa vie réelle, qui est présentée comme terne et minable.

Avec cette mise en abyme, le scénariste a écrit un rôle pour le spectateur de son scénario... et le spectateur, inconscient de ce fait, se laisse dirigé par le rôle qui lui est implicitement donné : comme programmé il se retrouve vissé à son fauteuil de spectateur comme un paralytique dans son fauteuil roulant, comme programmé il se détourne de sa vie réelle pour s'absorber totalement dans l'univers onirique du film.

La mise en abyme est vraiment un outil très puissant...

PS : attention cependant : si vous rêvez d'être un romancier à succès, mettre dans votre roman un romancier célèbre risque de jouer dans le mauvais sens : la ficelle est trop grosse. Les mises en abîme sont efficaces quand elles sont assez discrètes pour ne pas être repérées comme telles par le lecteur. 

Les deux manières d'ajouter du contraste

Il y a principalement deux manières d'ajouter du contraste.

Prenons par exemple la phrase (insipide et sans saveur) suivante :

"Jacques était un homme très doux."

Première méthode : dire ce que la chose n'est pas avant (ou après) de dire ce qu'elle est

Nous pouvons la pimenter ainsi :

"Jacques n'était pas du tout violent. C'était, au contraire, un homme très doux."

Pour mettre du contraste, on se contente ici de commencer par dire ce que Jacques n'est pas.

Variantes :

"Loin d'être un homme violent, Jacques était toujours d'une grande douceur."

"Jacques, non-violent, faisait preuve de beaucoup de douceur."

"Jacques était très doux. Il n'avait vraiment rien d'une brute."

Deuxième méthode : parler d'une chose ayant les caractéristiques contraires avant (ou après) de parler de la chose principale

Mais on peut aussi ajouter du contraste en parlant de quelque chose (ici, de quelqu'un) d'autre.

Exemple :

"Jean était une brute d'une épaisseur impitoyable qui frappait sa femme lorsque les pâtes étaient trop ou pas assez cuites. Par un contraste étrange son frère Jacques était, lui, d'une grande douceur."

Vous voyez comment Jacques apparaît plus doux dans cette dernière phrase ?...

De même que si on veut que du rouge paraisse plus rouge, il faut mettre du vert juste à côté.

C'est ça, la force du contraste.

Moralité ?

Pour un style captivant, utilisez l'art du contraste.

dimanche 9 septembre 2012

Métaphores et comparaisons + deux caractéristiques du style hypnotique

Pour faire une comparaison, vous avez besoin d'un outil de comparaison.

ça peut être comme, mais il y en a d'autres :

à l'égal de, à l'exemple de, à l'instar de, à la manière de, ressemblant à, ressemble à, comparable à, similaire à, présentant une certaine similitude avec, n'étant pas sans ressembler à, tel, non moins... que, à la manière de, plus... que.


On a parfois tendance à se cantonner à un seul outil de comparaison - tel écrivain affectionne "à l'instar" et en abuse, tel autre reste fidèle à "à l'image de".

L'idéal est de se diversifier, et de prendre l'habitude d'utiliser un maximum d'outils différents.

Une métaphore est comme une comparaison, sauf qu'il n'y a pas de mot de liaison :

Comparaison : la terre est bleue comme une orange... (Paul Eluard)
Métaphore : la terre, cette orange bleue...

Il y a aussi des métaphores où le premier terme (le comparé) est sous-entendu :

Une orange bleu roule dans le ciel en attendant qu'une main divine la presse...

Ce dernier type de métaphore est particulièrement intéressant pour un écrivain - pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'une métaphore concentrée. Or nous cherchons à faire des phrases, des paragraphes, des livres qui soient le plus concentré, le plus saturé possible.

Un beau style, un style puissant, hypnotique et irrésistible, dit un maximum de choses avec un minimum de mots.

(Attention ! Ce n'est pas un éloge de la brièveté que je fais là... c'est un éloge de la densité, de la saturation. On peut faire des livres très courts et très dilués, comme on peut faire des livres très longs et très concentrés.)

Mais ce type de métaphore implicite où le comparé reste sous-entendu, où il ne reste que le comparant, présente une difficulté et un risque...

L'ambiguïté.

Comment être sûr que le lecteur va bien comprendre que l'orange bleue dont je parle n'est pas un agrume tombé dans la peinture bleue, mais bien la planète terre ?...

Réponse : en jouant sur le contexte.
Et sur la syntaxe.
En faisant des parallèles.
En faisant des oppositions.

Reprenons la phrase de Sand que nous avons étudiée hier :

"les croupes adoucies comme les roches ardues, les yeuses colossales comme les petites étoiles bleues des buissons, tout cela est à moi pour toujours."

Dans un style plus bavard, cela donnerait : "les roches aux formes adoucies sont pareilles à des croupes", "les petites fleurs des buissons ressemblent à des étoiles".

Mais dans la mesure où Sand met en parallèle "croupes adoucies" et "roches ardues", on devine que les croupes sont des roches. (Avec le reste du paragraphe c'est encore plus facile à comprendre.)

Et dans la mesure où les yeuses sont des arbres et qu'on parle de buissons, il devient clair que les "étoiles bleues" sont des fleurs.

Il y a encore un point très intéressant à noter.

Ces métaphores qu'on peut qualifier d'implicites présentent un point fort : elles mettent le lecteur à contribution. Il doit faire un effort pour interpréter, deviner. Et ça, c'est encore une des caractéristiques du style hypnotique : le lecteur est actif, il participe.

Un style hypnotique est un style dont le lecteur doit construire, deviner le sens - on ne lui mâche pas trop le travail. 

En résumé, nous avons trois figures de style intéressantes, qu'on peut classer de la plus explicite à la plus implicite :

Comparaison : comparé, outil de comparaison, comparant ;
Métaphore explicite : comparé, comparant ;
Métaphore implicite :  comparé.

Faites un petit exercice : prenez un de vos textes, et essayez d'en changer toutes les comparaison en métaphores implicites.

Comme ré-écrire un premier jet pour le rendre plus concentré ?

Le premier jet est presque toujours dilué - c'est dans sa nature.

Il faut donc retravailler ce premier jet pour le rendre plus dense, plus concentré, plus saturé.

(Ce sont des métaphores tirées de la peinture que je vous livre là... Quand l'aquarelle est trop diluée, elle ressemble un peu trop à de l'eau ; concentrée, ses couleurs sont plus vives.)

Ce travail de ré-écriture a deux faces :

1/ D'une part il est nécessaire de supprimer les redites, les répétitions inutiles (je précise "inutiles", car il y a des répétitions utiles - c'est à vous d'en juger).

2/ D'autre part il peut être utile d'ajouter...

Mais ajouter quoi ?

Ajouter du sens. Ajouter des détails. Ajouter des sens, au pluriel : des notations sensorielles.

Ajouter aussi des métaphores, qui peuvent être évidentes ou discrètes.

Et par dessus tout, ajouter des émotions et des sentiments.

Les lecteurs, comme d'ailleurs les auteurs, sont avides d'émotions, friands de sentiments. C'est dans la nature humaine.

Prenons par exemple la phrase suivante :


"Les roches aux formes arrondies comme les roches pointues, les grandes yeuses comme les petites fleurs des buissons, tout cela est à moi pour toujours."

Supposons que cette phrase soit le premier jet d'un écrivain de génie...

Comment le réécrira-t-il pour rendre son style plus dense, plus saturé, et donc plus fascinant pour le lecteur ?

En ajoutant des métaphores.

Par exemple, au lieu de parler de "roches aux formes arrondies", il parlera de "croupe". C'est plus court et donc plus percutant et en contexte, on devrait arriver à comprendre qu'il s'agit de roche aux formes arrondies. De plus  de cette manière, les roches s'animent, devenant des espèces d'animaux : ça met de la vie !

Au lieu de parler de "petites fleurs", sans autre détail, il précisera de quelle couleur - bleues par exemple. Comme vous le savez peut-être, un style coloré (coloré au sens littéral) est toujours supérieur à un style terne...

Puis il remplacera "fleurs" par "étoile". Cette métaphore très poétique est sans ambiguïté : on sait bien que les buissons ont des fleurs et pas des étoiles. L'écrivain tire ainsi parti du contexte. Dans un autre contexte, il n'aurait pas pu parler "d'étoile" car on aurait cru qu'il s'agissait de vraies étoiles...

Ce qui donnera :

"Les croupes comme les roches pointues, les grandes yeuses comme les petites étoiles bleues des buissons, tout cela est à moi pour toujours."

Mais finalement, "croupes" n'est pas si clair... 
Peut-être parce qu'il manque un adjectif qui s'oppose à "pointues", ce qui renforcerait le parallélisme avec "roches pointues" et permettrait de comprendre que les "croupes" sont des "roches". 

On pourrait dire : "les croupes arrondies comme les roches pointues", mais comme par définition les croupes sont arrondies, ce serait inutilement redondant...

Et puis "pointues" est un peu trop terre-à-terre, il doit y avoir moyen d'utiliser un mot plus évocateur, plus suggestif... Tiens, par exemple : ardues


(Ardu : Escarpé, d'accès difficile, pénible à gravir  mais le mot est généralement pris au sens métaphorique : difficile, pénible.)

Pour s'opposer à ardues, et mettre de l'émotion, pourquoi pas "douces", ou même "adoucies" ?...
La douceur, c'est la dimension psychologique de la rondeur !

Résultat :

"les croupes adoucies comme les roches ardues, les grandes yeuses comme les petites étoiles bleues des buissons, tout cela est à moi pour toujours."

Pour accentuer encore le contraste entre les yeuses et les buissons, l'écrivain pourrait aussi trouver un adjectif plus percutant que "grand"...

Voyons ce que le dictionnaire des synonymes (ici) nous donne :

 abondantacharnéadulteâgéaînéalarmantampleappréciablearchitecturalaristocratearistocratiqueaspergeassourdissantastronomiqueatroceaugusteavancébalèzebaraquébéant,beauboncaniculairecolossalconfortableconséquentconsidérablecoquetcourageuxcyclopéendéchaînédémesurédémiurgedéveloppédistinguééchalaseffrayanteffroyableélancéélevé,éminentemphatiqueénormeépouvantableescogriffeessentielétenduétouffantexagéréexcellentexcessifextraordinaireextrêmefabuleuxfameuxfiefféfierfilsforcenéfortfurieuxgéant,généreuxgénialgigantesqueglacialglorieuxgouvernantgrandementgrandeurgrandiloquentgrandiosegroshauthérosillimitéillustreimmenseimmensurableimportantimposantincommensurable,incomparableindustrielinfiniinfluentintenseinterminableinvétérélargelégendairelonglongilignemagistralmagnanimemagnatmagnifiquemajeurmarquantmeilleurmémorablemonstrueux,monumentalmûrnoblenombreuxnotabilitéperchepersonnagepersonnalitéprestigieuxprincipalprofondprolongépuissancepuissantremarquableréputéretentissantrobusterondeletrudesacré,seigneursensationnelsommitéspacieuxsublimesuper-grandsupérieursuprêmesurprenanttalentueuxterribletitanesquetranscendanttraputriplevastevifviolent.

Gigantesque n'est pas mal...
Mais peut-être que colossal est mieux, dans la mesure où il donne un côté plus animé et plus humain (le colosse est un homme gigantesque.)

Et voilà : 

"les croupes adoucies comme les roches ardues, les yeuses colossales comme les petites étoiles bleues des buissons, tout cela est à moi pour toujours." (George Sand)

Et voilà comment on passe d'un premier jet un peu trop dilué à une phrase saturée de sens, une phrase colorée, palpitante d'émotions et de vie.

Faut-il IMITER les grands écrivains ?

Bonne question.

Mais avant d'y répondre, demandons-nous ce qu'est l'originalité ?
Quelqu'un a dit que c'est l'art de dissimuler ses sources...
Je suis assez d'accord.

Si vous avez un minimum de personnalité (autrement dit, si vous existez) vous serez original sans même chercher à l'être. Inutile, donc, de se donner l'originalité pour objectif.

Quant à imiter les grands écrivains...

Non, il ne font pas imiter les grands écrivains ; il faut imiter les auteurs qui, grands ou petits, vous plaisent. Vous plaisent vraiment. Je parle de ceux que vous relisez pour le plaisir.

Si vous les aimez, c'est qu'ils ont des qualités qui correspondent à celles que vous avez virtuellement, celles que vous pouvez développer.

Prenez donc pour modèle non les auteurs qui sont réputés grands mais les auteurs que vous aimez, qu'ils aient ou non la réputation de grands écrivains.

Mais qu'est-ce que "imiter" ?

Comment imite-t-on ?

Tout simplement en prenant une page ou juste une phrase et en la décortiquant, recopiant, analysant, disséquant sous toutes ses coutures jusqu'à ce qu'elle livre ses secrets.

Autrement dit, torturez-la pour qu'elle parle.

Cette phrase magique qui vous fascine, réécrivez-la autrement. Essayez de l'améliorer. Si vous y arrivez, bravo, vous avez appris quelque chose. Si vous n'y arrivez pas, vous aurez aussi appris quelque chose.

Ainsi, vous commencerez à découvrir les secrets d'écriture de l'auteur que vous aimez.

Et quand vous aurez bien compris ses secrets, rien ne vous empêchera de les utiliser à votre tour.

Ce type d'imitation est extrêmement fécond et bénéfique.

samedi 8 septembre 2012

N'évitez PAS les clichés !

Parmi les conseils qui sont généralement donnés aux apprentis-écrivains on trouve celui-ci :

Evitez les clichés !

(Une remarque au passage : évitez les clichés, évitez les adjectifs, évitez de raconter votre vie, évitez de parler de votre ex... beaucoup de conseils donnés aux écrivains en herbe sont négatifs et à ce titre, pas très féconds. Voire stérilisants. Ne pas écrire du tout n'est-il pas le moyen le plus sûr de les suivre ?...)

Mais il y a mieux à faire.

Les clichés ne sont pas sans valeur. Un peu comme les proverbes, ils renvoient à une forme de sagesse collective. Il y a vraiment mieux à faire que de les rejeter en bloc comme des malpropres.

Pourquoi ne pas les utiliser... intelligemment ?

Au lieu de parler de "menton volontaire" (cliché), vous pourriez par exemple parler de "menton têtu".

Au lieu de dire "rouge comme une tomate" (cliché), vous pourriez par exemple dire "rouge comme du double concentré de tomate".

Ou encore mieux "rouge comme l'explosion d'une usine de sauce tomate au coucher du soleil"...

(Cette comparaison, magnifique de drôlerie, est de Wodehouse.)

Conclusion ?

N'évitez pas les clichés : jouez avec !